Bonne fête monsieur !
Aujourd'hui c'est la fête des pères et c'est je pense, le jour de l'année où je me sens le plus embarrassée.
Il a toujours été difficile pour moi de fêter ce truc à un père qui n'est pas loin d'être encore un parfait étranger. Ou tout du moins qui n'a jamais réellement endosser le costume de papa.
La fête des Pères déjà en soi c'est compliqué pour moi : acheter une bouteille de bon vin? Il ne boit -buvait- pas. Un cendrier, des cigares cubain? Il ne fume pas. Un portefeuille ? Le sien est prêt à exploser, mais il ne le changerait pour rien au monde, son "crapaud". Une chemise ? Mon père est du genre à ne porter que des tissus nobles et hors de prix, et il faut que je trouve du XXL... Un beau livre ? Les livres qu'il souhaite coûte en moyenne 80€. Un parfum ? Aux dernières nouvelles, il en avait près d'une 20aine, quelque chose pour sa passion, la plongée ? Vous avez vu un accessoire de plongé à moins de 100€ ???
Bon je ne vais pas vous énumérer toutes les possibilités, vous aurez compris qu'avec mon père, c'est compliqué.
Les choses se compliquent encore plus si on commence à mettre le nez dans nos relations. Mes parents ayant divorcés tôt (j'avais 3 ans), mon père décida de ne pas s'occuper de moi pendant 5 ans. Une belle coupure de 3 à 8 qui a creusé un énorme décallage : j'attendais beaucoup de lui, de sa présence, et lui avait perdu toute fibre paternelle, était gauche avec moi et tentait encore de faire mon éducation comme si j'avais 3 ans. Empêtré dans des situations amoureuses toujours compliquées et scabreuses, il m'apprit très tôt à mentir pour le couvrir, et à me faire plonger les deux pieds joints dans une vie d'adultes.
Les années de mon adolescence furent difficiles : me traitant toujours comme une adulte, en même temps comme une sorte de trophée (ma fiiiiiiiiiiiille), il n'en restait pas pour le moins gauche : après plusieurs week-end passés devant la télé pendant qu'il bricolait dans son atelier, je décidai de ne plus aller chez lui que sporadiquement. Enième cassure en plus d'autres : lui offrir des choses qu'il voulait et pour lesquelles il ne me décrocha même pas un sourire (y compris la fois o ù je lui avais fait son album photo de son anniversaire de 50 ans, un boulot monstre...), ne voir dans sa maison que les photos de la petite fille de sa compagne, et aucune de moi (la seule qu'il eut de moi, pour la remise de mon diplôme ayant été relayée à la cave, dans son atelier)...
Même si nos relations s'adoucissent depuis quelques mois, avec beaucoup d'efforts, avec ma mère qui essaie de lui expliquer, avec le Parisien qui me pousse encore et toujours à faire des concessions, les périodes de fêtes restent toujours problématiques, et les cadeaux encore plus. Le dernier en date fut un blender tout neuf puisqu'il se remet vaguement à la cuisine (mon papa ayant à la base une formation de cuisinier, mais une de ses multiples relations amoureuses houleuses lui a fait perdre le goût de la cuisine, passons), sauf que je n'ai aucune idée sur le fait de savoir s'il est content ou s'il s'en sert.
Pour la fête des pères donc, je me contenterai d'un minimum syndical à la limite de l'hypocrisie en l'appelant pour lui souhaiter une bonne fête, pendant qu'il sera chez lui, pas du tout attentif à notre conversation puisqu'en train de regarder le Grand-Prix à la télé ou 'Juste pour rire'. Il me posera 3 fois les mêmes questions, il me fera répéter trois fois les mêmes choses.
Et puisqu'on ne change pas les gens, ça sera très bien comme ça.